L'homme de la pampa reste toujours courtois.

4 degrés, à vrai dire. Peut-être fraîche, mais au moins positive, la température.
En guise de garde de faction, un latino au visage fermé, et une blondinette à l’allure sans doute peu accordée à la fonction. Jean blanc troué çà et là et chemise noire, boots délacées poussiéreuses, et petite casquette noire pour empêcher la crinière de s’emmêler encore. Seul le fusil qu’elle tient à la main lui donne un peu de crédit.

A l’apparition du petit groupe, la punkette adresse un signe de tête à son compagnon de quart et accroche l’arme dans son dos. Elle semble au courant de cette arrivée, sans toutefois les connaître.

- Papiers d’identité, siouplaît !

Elle a sauté d’un muret pour atterrir avec un grand sourire devant l’homme de tête, la voix claire et enjouée. D’un coup d’œil, elle avise les voyageurs, l’équipement – l’habitude a ancré les bons automatismes, on dirait. Elle tente de se souvenir du nom entendu sur les ondes de la ville.

- Les « Janissaires », c’est ça ?

"Oui, elle plaisante, z'inquiétez pas...."

La tension est palpable chez ses compagnons, mais le turc n'y prête pas attention, lui est plutôt à l'aise.
Il a des gens à y revoir et auquel il aimerait reparler. Et malgré la stature militaire de ce camp, il reste le fruit d'une évacuation et d'un sauvetage réussi.
C'était l'an passé, mais des images lui reviennent en tête au moment où il se porte à la rencontre de la jeune femme.
Drôle de garde aux pas élancés et aux allocutions enjouées. Aslan se laisse séduire facilement. Après tout, un sourire vaut mieux qu'une grimace en ce monde...

"Voilà, comme l'a dit l'doc...
Vous acceptez les livrets d'famille, j'espère, aha !

Aslan Öztürk, enchanté...
Nous sommes..."

Il se tourne un moment vers les siens

"Un, deux, quatre, huit... Treize, tac, tac, tac...
Quinze, seize !
Voilà, seize...
On est d'jà connu par les fichiers d'l'immigration et on voudrait la permission d'entrée, s'il-vous-plait...
Euh, mademoiselle ?"

Habituellement, c’est plutôt les troupes militaires, qui paraissent peu accueillantes.
Pour cette fois, c’est la petite garde blonde qui se sent courir un léger frisson dans le dos face aux mines renfrognées et à l’échec de sa petite blague. Mais il en faut visiblement plus pour la refroidir complètement, elle ne se dépare pas de son sourire.

Surtout que le troisième a l’air plutôt sympathique.

- Mademoiselle Vicious. Liberty, d’son prénom. Elle a la fâcheuse manie des plaisanteries qui passent rarement.

Elle se retient de tendre une main vers Aslan – peu protocolaire, et peur de se prendre un vent, sans doute – pour feuilleter un petit carnet usé.

- Ouais, seize Janissaires, c’bien noté. Dont certains ont déjà traîné par ici, ‘paraît. J’vous dis pas d’passer au bureau pour signer l’registre, j’sens qu’ça va pas passer.

Tout en parlant, elle continue de jauger du coin de l’œil chaque membre du groupe. La jeune Anglaise en particulier. Celle-ci plairait sûrement à Mary. Et si le second garde, le latino, ne s’est pas arrêté de marcher de long en large du misérable portique qui sert d’entrée, sûrement en fait-il autant.

- Pour toutes les commodités, douches, lits, nourriture, infirmerie et autres joyeusetés, c’est tout droit, pouvez pas vous tromper.

Liberty effectue une légère courbette et s’écarte du passage, pour indiquer que la permission est donnée.

Vicious ? Quel drôle de nom. Doit-il se méfier ? Oh, un nom de gang sans doute, ce ne sera pas le premier dans le désert.
Il préfère s'attacher son prénom.

"Bah, m'êtes fort sympathique, m'zelle Liberty.
M'a pas été donné d'voir ce genre d'accueil partout, voyez.
Hmm..."

Le turc semble prit d'une sorte de conflit intérieur.

"Qu'est-ce que j'peux bien avoir pour vous...
Hmm...
Ah ! J'ai d'l'huile de lapins, ça vous branche ?
Bah, m'regardez pas comme ça, ça nourrit bien l'cuir savez...
Et puis ça peut graisser vos armes...
Sinon, j'ai bien quelques poissons attrapés avant d'partir...
Plus frais qu'à la criée.
Z'aimez l'poisson ?"

L'homme pose des questions, mais n'écoutera les réponses que d'une oreille, faisant un inventaire visuel de leurs marchandises.

Avec une moue amusée, Liberty se penche vers MacBeth, usant d’un faux ton de confidence.

- Enchantée également. Promis, j’dirai rien pour les faux papiers. D’ailleurs si vous avez b’soin d’autres, j’suis un peu une spécialiste dans le domaine.

D’une main qui file de haut en bas, elle se désigne elle-même ; référence à son passé de vagabonde, qu’elle pense facile à deviner.
Elle se redresse quand Aslan cherche quelque chose à lui donner.

- J’vois pas d’raison d’vous sauter à la gorge, au mieux vous êtes des alliés, au pire des neutres. Pour autant v’s’êtes pas obligés d’nous filer quelque chose. On est pas une douane, on est juste là pour s’assurer qu’y ait pas de plus méchants qu’nous qui pénètrent la ville.

Petite lueur de malice dans l’œil à cette remarque.

- C’la dit, j’suis assez curieuse de votre huile de lapins, là. J’connais pas du tout.

Comme prenant conscience de quelque chose, la blondinette balaye le paysage du regard.

- R’marquez, c’est p’t’être pas l’endroit pour s’échanger des spécialités locales. Vaut p’t’être mieux qu’vous alliez manger un bout, et j’m’inviterai à la fête plus tard.

"Mais.. Mais...."

L'homme semble profondément heurté dans sa sensibilité nomade.

"Mais j'me sens pas obligé, voyons !
C'est bakchich, ça n'a rien à voir avec un pot d'vin, c'est la tradition, vous voudriez pas m'blesser quand même ?
Hmm... Vous êtes dure en affaire vous...
Et si j'remplace l'huile de lapin par des épingles à nourrice et du tissu de premier choix, qu'est-ce que vous en dîtes ?
Le retour du soleil, le retour du printemps, grand ménage et nouvelle garde robe, hein ? Alors ?"

Aslan reste planté là, sans bouger, fixant madame le plus sérieusement du monde.

La tradition. Liberty se mordille la lèvre ; apparemment, elle a fait une bourde sans s’en rendre compte. Elle essaie de se souvenir, mais elle a rarement été en position d’hôtesse qui reçoit. Et partout où elle a voyagé, on ne l’a pas reçue à coups de cadeaux, pour sûr.
Mais elle se recompose rapidement une mine souriante.

- Vous blesser, loin d’moi cette idée. Mais j’ai pas l’habitude ici, v’comprenez.

Et il faut bien avouer qu’Aslan a su attiser son intérêt, en évoquant du tissu de premier choix.

- J’dis pas, d’nouvelles fringues ce s’rait pas mal.

Une façon comme une autre d’accepter le « bakchich ». La punkette se voit déjà remettre ses talents de couturière à profit.
Mais d’ici là, une chose la chiffonne encore. Doit-elle offrir quelque chose à Aslan en retour ? Le plus simple reste encore d’interroger MacBeth du regard.

Liz-mac-beth jauge un instant la punkette quand cette dernière se désigne. Petit hochement de tête accompagné d'un sourire en coin'amusé.

- Talent caché ? Dommage que ça ne serve plus, j'aurais été ravie de faire affaire avec vous. Que ce soit pour des papiers d'identité ou des documents supposés officiels, vous n'auriez pas manqué de travail. L'import-export notamment, pour rester dans le ton.

Son regard est irrémédiablement attiré par Aslan presque devenu marchand de tapis sous ses yeux qu'elle ne l'eût point cru.

- Du tissus et vous n'en parlez que maintenant ? Va falloir qu'on cause sérieusement vous et moi...

Désormais, c'est elle qui attend que le turc sorte les étoffes évoquées. A croire que l'entrée de la cité risquait de se transformer rapidement en souk au grand dam des autres protagonistes présents. Au regard de Liberty, elle sourit confiante bien qu'elle ne connaisse pas encore très bien Aslan...

- Si nous allions regarder tout cela autour d'un verre ? Aslan est quelqu'un de généreux... Il semble apprécier l'accueil. Faudrait que vous puissiez prendre le temps de choisir ! Puis, entre nous, on gêne peut-être l'entrée et le travail des "gardes" en restant là, non ?

Sourire. Le Turc avait le don de rendre le pénible mémorable. Bakchich, encore un de ces mots étranges aux usages similairement différent dans ses deux cultures. Bakchich, pourboire en roumain, remerciement en méditerranéen. Il se fend d'un sourire. De quoi oublier que Liberty a signé à la Marabunta. Cela dit, la punk et le tissu, n'aurait-il pas un risque de gachis au nom de la mode ? Non d'un tapis persan, ces jeunes ont pu l'soucis du raffinement. Maintenant qu'il lâche plus de mot, son accent oriental en ressort de plus bel, l'iranien s'entend.

Le meilleur tissu d'la region, on se refuse rien au Norouz. Anton Farzeen, medic d'la troupe des lurons. On a d'quoi vous promettre d'autres surprises le temps de notre séjour, z'allez avoir du mal a vous en remettre. Enfin si on s'fait pas engueuler pour tapage diurne.
Pendant qu'on regle l'bakshish, vous avez p'tre des news sur quoi d'neuf depuis l'debut de l'hiver ? A part l'printemps, va s'en dire. Sourit. Vot' collegue peut surement finir l'quart tandis qu'on va s'rechauffer, fait toujours pas chaud.

Ben voilà, suffisait de pas grand-chose. Parlez chiffons, et voyez comme l’ambiance se détend.
Liberty continue à opérer dans l’ordre. D’abord la fille aux faux papiers qui, à bien y réfléchir, ne lui a pas donné son nom.

- Ça va que j’en ai d’autres qui servent encore, des talents. Pour la gêne du travail, vous en faites pas, miss, la garde c’est nous.

Et l’horizon est assez plat et dégagé, de ce côté-là, pour voir arriver un troupeau d’éléphants à plusieurs lieues. La fourmi, elle, est assez maligne pour contrôler.
Puis, à la double proposition d’aller se mettre au chaud autour d’un verre, les yeux clairs de la punkette passent régulièrement de la fille à Farzeen et de Farzeen à la fille.

- Pas qu’la menace soit imminente, mais les Jefes risquent de pas apprécier que je quitte mon poste. Faut qu’on soit deux pour bien faire le taf. Mais...

Son regard se lève vers le soleil, comme pour évaluer quelque chose.

- ... mon quart se termine. Si vous êtes pas pressés, vous attendez quelques minutes que Chirlo vienne prendre ma place.

Et enfin, à Lizzie :

- Des douches, oui. C’qui s’en rapproche le plus, tout du moins. Cabines en bois, tuyauteries, eau chaude. Comble du luxe, j’peux même vous filer un savon parfumé pour un peu d’coquetterie.

Répondant d'abord à Lizbeth tout en trottinant vers la chamelle.

"Qu'est-ce que vous croyez ?
On s'refuse rien, aha !
Autant joindre l'utile à l'agréable..."

Aslan farfouille dans le paquetage de l'animale et en sort plusieurs morceaux d'étoffes blancs.
Il revient vers le petit groupe, toujours au trot.

"Aha, regardez-moi, ça...
Si c'est pas d'la qualité...
R'gardez, touchez-moi ça...

Ça, c'est d'la toile de parachute, revêt'ment tout en soie, m'sieurs, dames.
C'est pas d'la camelote.
C'est blanc, ça peut s'teindre facilement.
Mais 'tention, hein ? C'est pour les maîtres tailleurs et les mains délicates.
Faut être sacrément doué...

Et ça, c'est des draps.
Des vrais draps d'hôtel à l'ancienne, 100% coton.
C'est un peu épais et rugueux, mais c'est plutôt solide...
C'est blanc aussi malgré la p'tite frise là, mais ça s'garde tel quel ou ça fait d'bons pantalons à passer à la teinture..."

Il regarde ses interlocuteurs, comme pour épier les réactions.

"Mais j'en ai d'autres, savez...
Hein ? Quoi ?
Ah, oui, bah on va attendre alors..."

Curieuse malgré tout, Liberty fait rouler la toile de parachute entre le pouce et l’index. Et fronce les sourcils.

- J’suis pas certaine que ce soit l’plus confort pour barouder dans l’désert, ça. Faites-en plutôt des sacs ou des hamacs.

Un regard impatient indique que la relève se fait attendre.
Ça lui manque un peu, à la blondinette, de vadrouiller un peu partout, sans autre but que celui de voyager. Pas pour la guerre. Alors tenir la garde ici depuis des lunes, et voir débarquer soudain cette petite troupe, c’est un genre d’épreuve mentale, un peu.
Elle laisse Aslan et ses tissus pour se retourner vers Lizzie.

- T’sais, même à vivre dans la rue pendant des années, on peut garder un minimum d’souci esthétique. C’pas la poussière qui m’dérange, mais si j’peux éviter d’ressembler à une clocharde, j’aime autant. J’suis sûre que la vanille t’ira très bien. Faut qu’j’aille chercher ça dans mes affaires.

Oui, le tutoiement habituel a refait surface, sans prévenir.

A la mention de douche par l'anglaise, la moldave à l'accent de l'est non encore mentionné faut dire, lève un regard intéressé mais les tissus de monsieur Aslan l'inspirent visiblement plus. Elle hoche la tête en signe d'approbation à la proposition de liberty, celle de patienter, avant d'extirper une clope d'un vieux paquet de Lucky strike arborant une pin-up. Un artéfact à fumer dirait-on.


Petite flammèche d'un briquet rapidement allumé, première bouffée salvaltrice aux bouffées calmantes. Depuis la grossesse, elle n'y avait plus vraiment retouché mais il faut bien combler un vide par la reprise d'une bonne vieille addiction créant manque sur manque.

- Elle, c'est Lizzie. Moi, c'est Liz tout court, comme la reine d'Angleterre ou plutôt comme ma grand-mère. Sinon y'a un type, une sorte de prêtre du nom d'Eyli ou quelque chose comme ça qui m'appelait Daphné. Jamais trop compris pourquoi. Question prénom, on m'en a toujours donné à toutes les sauces et c'est pas plus mal. Vous en voulez une ?

Elle tapote le paquet de cigarette avant de s'adosser contre le mur le plus proche en attendant que s'achève le tour de garde. Au retour d'Aslan, ses yeux scrutent chaque tissus avec un intérêt certain. Clairement non pour la toile de parachute, par contre, le tissus blanc fait son petit effet au point qu'elle mette les pieds dans un plat délicat.

- Robe ou tunique... Robe de mariée même avec quelques arrangements pour qu'on évite l'effet chemise de nuit. Non ?

Le turc salue la relève avec le sourire, une femme brune, qu'il croit avoir déjà aperçu lorsqu'il réparait le toit de l'église.

"M'dame...

Oh, savez, on est pas en terre inconnue, on remplit même la carte de fidélité, aha !
Bonne journée..."

Puis se tournant vers le petit groupe

"Nous voilà libres d'aller planter l'magasin d'étoffes au chaud, aha !
Ça vous plaît pas ? Bah j'ai d'autres tours dans mon sac, héhéhé...
Allons voir ça autour d'un thé si vous voulez bien.
Ce s'ra aussi l'occasion de s'décrasser...

D'ailleurs...
Euh...
Disons qu'le savon à la vanille...
Bah, ça m'intéresse aussi, voyez..."

Viviane débarque à ce moment là. Aïe, Aslan espère qu'elle évitera encore de se dénuder trop rapidement, il souhaite éviter le scandale.
Finalement, la petite est sage et le turc mauvaise langue.
De la musique... Il était temps qu'elle fasse enfin des choses plus proches de son âge...
Il sourit de plus belle.

D’un signe de tête, Liberty refuse la cigarette. Elle a déjà aperçu Selena, qui avance seule vers eux. La punkette fronce les sourcils. Tout juste accorde-t-elle une petite gratouille à la louve qui vient furtivement la renifler.

- Où est Chirlo ?

Pas le temps d’attendre une réponse, qu’une jeune femme blonde tendance pin-up l’assaille de paroles.

- Non, aucun rapport av...

Là aussi, pas le temps de terminer sa phrase. La blonde lui a collé des écouteurs sur les oreilles, sans avoir pensé à baisser un peu le son, visiblement. Liberty sursaute et ouvre de gros yeux. Au bout de quelques secondes, elle enlève le casque et le rend à la demoiselle.

- C’est, euh... Allez tous au bar, plutôt, j’vais profiter d’aller chercher des savons pour voir c’que fout Chirlo.

Quelque chose la préoccupe visiblement. Un regard vers Selena ne lui apporte aucune réponse. Les yeux clairs scrutent la ville, derrière elle. Allez savoir. Peut-être que ça n’est pas le genre dudit Chirlo, d’arriver en retard.
La punkette jette un regard légèrement absent vers Aslan.

- D’la vanille. J’ai p’t’être quelque chose d’un peu plus masculin pour vous. Allez-y, j’arrive.

Un signe étrange à l’attention du latino qui reste en poste, et la voilà qui s’éloigne vers le campement de la Marabunta.

Un coup d'oeil à gauche, un autre à droite. Liberty les quitte en paraissant inquiète mais point de question déplacée de la part de la moldave qui salue poliment la nouvelle venue d'une inclinaison du front.

- Je crois m'ssieur Aslan que vous pouvez ranger la marchandise et la garder pour ouvrir votre souk au bar. D'ailleurs, il est temps !

Joignant le geste à la parole, la jeune femme reprend ses sacs qu'elle aura posé quelques instants au sol pour gentiment se diriger d'un pas plus léger vers le lieu prévu. Néanmoins, un discret reniflement lui indique rapidement qu'une vraie douche ou un bon bain chaud ne serait pas du superflu pour la majorité.