Chacun sa place

Pamela arriva ce matin là au pied du phare, elle monta au premier étage et débarrassa sa chambre des affaires qui lui étaient essentielles; puis elle monta à l'étage du dessus pour y trouver Marve.
Elle devait lui parler, il y avait des chances qu'il n'apprécierait pas ce qu'elle lui dirait mais sa décision était prise.

Elle frappa à la porte et n'attendit pas pour autant son accord pour entrer, de toute façon s'il dormait elle le réveillerait, et s'il était encore sous l'effet d'une quelconque drogue peut-être que l'annonce passerait plus facilement.

Elle le trouva dans la pièce et sans plus de cérémonie lui lâcha le tout à la figure :

Marve, faut qu'on parle, enfin, non, faut qu't'écoutes.

Elle tenait dans sa main son chapeau de Capitaine, celui qu'elle avait depuis le jour de la mort de Mishito dit "le coyote" à cause d'une blague de mauvais goût, jour où elle s'était vue promue vice-amiral.
Elle le posa sur le bureau de Marve.

Voilà, l'histoire avec Motor Lee m'a fait réfléchir, grandement, je ne veux plus être capitaine.
La phrase était tombée, nette, froide, presque sans bavure car la voix de Pam avait fini malgré tout par dérailler vers la fin.

Je reste, pour le groupe de défense et pour la cité, rassure toi là dessus, mais je ne participerai plus en rien à vos décisions.
Trop de divergences....on dira que c'est dû à mon jeune âge, que je ne sais pas.... que je suis encore trop cruche...
mais avec cette histoire je viens de perdre le peu de crédibilité que j'avais.

et plus bas de finir

et aussi de confiance.....

Elle avait envie de pleurer mais elle retint très fortement ses larmes, elle ne lui donnerait pas ce plaisir, quelque chose venait de se briser, c'était peut-être suite à la discussion qu'elle avait eu avec Maëlle, ou peut-être que cela remontait à plus loin...ou juste à hier .... mais voilà, si elle avait pu, elle aurait pris Pommie par la bride et serait partie s'aérer à l'oasis un peu plus au Nord de la communauté.

Puis elle se reprit et continua :

J'ai vidé ma piaule, ça laissera de la place pour les nouveaux capitaines.... seront pas obligés dormir entassés.
Voilà, maintenant je te laisse, je vais retourner au mirador guetter l'horizon...

Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne décide enfin de retourner vers la porte....

Pamela avait stoppé net alors qu'elle était sur sa lancée pour ouvrir la porte lorsque le "STOP" avait retenti.
Elle avait fait volte face pour affronter les minutes qui allaient suivre. Elle le regarda lui servir un verre de scotch mais ne s'avança pas moins pour le boire.

Elle garderait les idées claires elle, pas la peine de se saouler à l'aube.

Elle n'approcha pas, peur de s'en prendre une malgré tout, alors elle s'adossa à la porte, si ça devait vraiment tourner mal elle pourrait l'ouvrir à la volée et partir.
Il voulait des explications et cela coulait de source, mais comment pouvait elle lui expliquer son malaise sans en plus en rajouter une couche.

Elle le laissa parler, crier, tantôt baissant la tête pour finalement la relever et le fixer d'un air de défit de ses grands yeux bleus.
Elle avait machinalement caresser son Dreamcatcher lorsqu'il l'avait évoqué, dissimulant un soupir, se sentant un peu protégée quand elle l'avait.

Et puis voilà que Marve tirait sur la corde sensible, lui, la famille, mais merde quoi, oui elle savait ce qu'elle leur devait à tous, elle n'était pas une ingrate, mais quand même.

Et là elle se lâcha :

J'avais douze ans quand tu m'as fait cette "promotion" Marve ! Douze ans ! tu crois franchement qu'à cet âge là j'avais tout compris ?
et puis, depuis est ce qu'une seule fois tu m'as considérée à ce statut ? est ce que les autres capitaines m'ont considérée comme "la vice amiral" ?
NON ! pas une fois ! je restais la GAMINE ! celle qui vous fait peur par ses caprices, ses crises, ses jeux perverses, tu crois que sous les "petite fille, euh gentil petit ange" de certains je pigeais pas ?
hein ? MARVE !

Lorsque je suis partie ...l'autre fois dans le désert... tu peux me dire ce que cela t'a fait ? hein ?
vous vous êtes Vel et toi juste inquiétés pour la défense de la ville...
pareil, Ozric, malgré tout ce qui s'est passé, un retour ? non.

Et après tu veux parler de Sheng ? un gars provocateur que tu veux buter, mais les paroles de l'autre singe de la mara lui fallait pas toucher parce que vous étiez en entente cordiale !

Motor Lee est quelqu'un de bien, il y est pour quoi si un de ses gars pète les plombs ? à cause d'un seul il perd tous les espoirs qu'il fondait dans cette possibilité d'alliance ? !
c'est ça !

Elle avait agité ses bras durant tout son plaidoyer tentant de convaincre comme elle le pouvait le colosse devant elle.


OUI je sais où est ma FAMILLE ! je te tourne pas le dos.... (marmonne entre ses dents " pas envie de me faire avoir") mais en attendant à quoi je sers ?

DIS MOI ! DIS MOI MARVE !

hein ! A QUOI JE SERS ?
A rien ! si...rassembler les hommes pour être au point lors des entraînements, ben pour ça pas la peine d'être capitaine, ni vice amiral, être juste moi c'est amplement suffisant.

Oui, j'ai pas de crédibilité pour les gens de l'extérieur, et même pour les Vlad, les Hick, les Charogne et j'en passe, c'est tout, c'est la réalité, et le peu vient de se briser comme un miroir qui tombe.


Elle s'était mise à serrer les points pour contrôler sa colère, à quoi bon garder un statut qui ne lui correspondait.

Elle aurait pu continuer à agiter les bras en tout sens et à s'énerver car elle avait au fond d'elle une plaie qui ne risquait pas de se refermer de si tôt mais elle ne se sentait pas capable de lui expliquer clairement...et de toutes façons il ne comprendrait pas.

Alors que la bouteille volait en éclat, elle le fixait tout en cogitant dans sa tête sur les paroles qu'elle entendait, elle avait les lèvres qui lui brûlaient d'envie de répondre, mais elle se mordit la langue pour ne pas en rajouter.
Puis il lui ordonna de sortir, la congédiant...
ha ça non, elle n'allait tout de même pas le lâcher si vite, il rêvait tout debout !

Bien au contraire, elle finit par quitter la porte et s'avança jusqu'à lui, écrasant au passage la cigarette tombée au sol pour être sûre qu'il n'en ferait plus rien.

Elle posa la main à plat sur la table et lui dit :

soit, je vais rester pour les hommes, pour la défense de la ville, pour le groupe et continuer de le former, mais uniquement ça !
et surtout je ne veux plus te voir de la sorte ! durant les entraînements tu te traînes ! c'est ça aussi l'image que tu veux montrer de toi aux autres ? C'est ça l'Amiral !


Elle traversa la pièce et se saisit d'un petit miroir abîmé qu'elle brandit devant les yeux de Marve.


Regarde !
regarde toi !

tu vois ce que l'alcool et la drogue ont fait de toi ?
Tu crois qu'elle dirait quoi elle, de l'homme que t'es devenu?

Pam avait pointé son doigt sur le bras de Marve où était son tatouage. Puis elle posa le miroir et prit le visage du balafré entre ses mains.
Elle avait les doigts froids, elle encadra les traits défaits de l'homme et finit par déposer une bise sur son front.

Se décalant à peine elle lui murmura d'un ton mi gentil mi provocateur

j'arrête de te faire chier, seulement si tu te ressaisit ! tu m'as comprise ?

et se reculant elle planta ses yeux lagons dans ceux en manque de Marve.

Elle fulminait, elle lui en voulait, et cette fois à mort.

Il ne la comprenait pas, et il ne voyait rien....ou en tous les cas il ne s'en donnait pas la peine.
Comment pouvait il minimiser les entraînements ? même lui en avait besoin, pas pour apprendre, ça elle le savait qu'il avait suffisamment vécu pour avoir des compétences sérieuses, mais là à rester entre l'alcool et la drogue, il s’encroûtait.

Le jour où la menace viendrait que ferait il s'il était dans cet état là ?
Oui, elle n'avait jamais vraiment connu la guerre, mais celle qui s'annonçait était loin de présager un horizon radieux.
Elle en était consciente et même bien plus qu'elle ne le laissait paraître, mais les membres du groupe de défense en face d'elle ne se rendaient pas compte de son évolution.

Elle passait des heures et des heures dans le mirador, certains malins de dire qu'elle en avait fait sa niche, quel bande de comiques, qui irait servir de bouclier humain le jour J ? pas eux... alors oui elle jouait la chienne fidèle, FIDELE à sa ville, FIDELE à Marve, mais il n'était pas fichu de le voir.
Elle veillait, jour et nuit, scrutait les alentours, au Nord , à l'Est, ou à l'Ouest, elle avait ses jumelles braquées pour être réactive, elle ne comptait plus les heures d'insomnie à surveiller....

Oh oui, elle n'avait jamais vraiment cogner, enfin les 8 victimes à son palmarès ne diraient pas ça, mais la Vraie Guerre, comme Marve se plaisait à lui envoyer à la figure lui était étrangère, c'est peut-être pour cela aussi qu'elle prenait son rôle de cheffe du groupe de Défense à fond.

Ceci personne ne pourrait lui reprocher, ni aujourd'hui ni demain.
Son coeur se durcit après cet échange avec Marve, avant de quitter la pièce elle lui jeta à la figure :

en tous les cas si on se faisait attaquer maintenant tu ne me serais d'aucune utilité et c'est moi qui devrai sauver ton cul !
ha... et je ne repasserai pas dans 2 jours, le prochain qui doute de mes capacités je lui loge une balle dans le crane.

et pour achever le mal de tête de Marve elle claqua la porte avec une rage qui valut à cette dernière d'émettre une plainte lugubre et roque, faisant trembler les gonds.