À peine arrivée.....

Plus tard... Un grésillement de radio et un monologue halluciné, et hallucinant, font sursauter une Lisbeth occupée à purifier de l'eau. Elle était calme la brunette, profitant de ce moment solitaire pour réfléchir à l'avenir possible, à l'enfant qu'elle porte et à des sujets que plus personne à ce jour ne comprendrait vraisemblablement.

"Au secours ! J'ai un ficus qui me pousse dans l'oreille, il veut partir manger des gens avec ma tête !"

Ecarquillement de yeux. Moment de flottement indescriptible. Toussotement. Elle pose ses outils pour se concentrer sur l'origine de l'appel. Mi figue, mi raisin, une moue sceptique qui s'esquisse sur son minois, elle daigne enfin répondre :

- Euh... Un ficus ? Je ne comprends pas. Si c'est une blague, elle ne m'amuse pas mais... Tu te sens bien ?

Une sensation obscure d'estomac noué par l'inquiétude s'incruste de plus belle. Elle écoutait assez les ondes pour savoir que beaucoup de femmes avaient des moeurs étranges, ici entre autre, à en juger par les longs monologues mêlant fantasmes et impudeur sur fond de scénarios quelque peu douteux. Il était fort peu probable que Carah aille bien à cet instant... Et ce n'était pas le genre de propos totalement à côté de ses pompes que la jeune femme sortait habituellement. Elle espérait qu'il en soit tout de même autrement.

Même dans un autre contexte, la réponse de Carah n'aurait pas tiré l'ombre d'un rire à la brune. Pas même un demi sourire. Moue pincée, elle ferme les yeux quelques secondes en se passant une main sur le visage, prête à se signer en envoyant une prière incongrue à un Dieu inexistant auquel elle ne croyait aucunement. Se résumant par "faites que ce ne soit pas ce à quoi je pense...".

N'écoutant que son instinct un brin protecteur, elle s'avance dans les ruelles de la cité. Elle se souvient parfaitement du discours d'un certain Franck à propos de substances qu'elle qualifiera toujours d'illicites, pour améliorer ses performances à la tâche. Celle de Carah, elle la connaissait et tenter de demander où la jeune femme pouvait bien se trouver deviendrait une synécure.

- D'accord... Respire bien à fond. Reste assise ou pose toi et ne bouge plus d'où tu es. Cela va passer, j'arrive.

La suite de la prière relèverait plutôt de l'incongru de la situation dont il ne fallait surtout, surtout pas que Farzeen ai vent. Sinon, cela repartirait en des dialogues assez soutenus et houleux. Une vague pique de colère et toujours cet air pincé plus tard alors qu'elle déambule d'un pas hâtif. Elle farfouille dans son sac. Gourde d'eau et de quoi se substanter... Elle sait là l'essentiel.

- Est-ce que tu peux me décrire ce qu'il y a autour de la chèvre ? Est-ce... Que tu sais encore où tu es ?

Qui ne tente rien n'a rien. Tentative de suivi du signal. Elle se dirige néanmoins assurément vers le seul lieu supposé être celui où travaille Carah normalement... mais va retrouver une aiguille dans une botte de foin quand tu connais encore mal l'agencement local.

Toussotement. Que répondre à pareil délirium ? Rien, absolument rien. Des poignées de secondes se transforment en minutes avant qu'elle tente de trouver quelque chose pour alimenter l'échange.

- A l'ouest... Oui, j'entends ça... De la tisane à fumer ? Je ne te savais pas si proche de la nature et aussi sensible à l'avenir des végétaux.

Un phare dont la hauteur la décourage d'aller vérifier. Un étal de marchand. Un ponton. Quelques tentes. Demi tour, elle revient sur ses pas, tourne en rond et finit par trouver ce qui semble être un agglomérat de bâtiments similaires dont elle cherche à lire les inscriptions. Des ateliers en pagaille. C'est le mot pagaille qui cloche. Dans lequel dénicher une scie-truc et un bidule-à-franges ?

- Laisse la scie faire... Et le truc à franges. Ils s'occupent comme ils peuvent, faut pas les toucher... Promis ?

A l'air pincé s'ajoute l'exaspération. La bonne humeur entre deux vomissements matinaux s'envole. On est sans doute le coeur de l'après-midi et la voilà à parcourir la cité de long en large pour dénicher la junkie du jour. De l'herbe coupée à des substances hallucinogènes, ne manquait plus que ça... !

Une porte qui s'ouvre au loin, des badauds qui rient. Les sons qui s'extirpent de sa radio ressemblent étrangement à une scène qui se déroule dans un angle de son champ de vision à l'ouest. Une pointe d'hésitation avant qu'elle entreprenne de s'imposer dans un lieu inconnu. Air austère de circonstance, l'oeil sévère...

- Hé ! Vous voulez que j'vous donne des raisons d'vous marrer ? Circulez, y'a rien à voir !

Bougonne ? Certainement, avant qu'elle ne s'approche de Carah façon surveillante d'un vieux pensionnat furidonde. Regard qui balaie les alentours avant de se poser plus franchement sur la jeune femme euphorique...